LES CONSÉQUENCES POLITIQUES
Robert Kelly
Professeur de sciences politiques et diplomatie à l’Université nationale de Pusan
Si Trump remportait un deuxième mandat, il y aurait une révolution dans le système bipartite américain. L’aile droite deviendrait similaire à un parti d'extrême droite européen, voire à un parti nazi, et il y aurait un risque de fracture du Parti républicain. La frange des anti-Trump flirte en effet avec un tiers parti, ce qui mènerait à un échec. La grande question à moyen terme est le sort du Grand Old Party. Se dirige-t-on vers un parti “bannonite”, de style Front national ou reviendra-t-on, après Trump, à une forme reaganiste ? Trump lui-même est trop vieux, trop imprévisible et trop narcissique pour terminer ce chantier. Il a cependant montré que les électeurs républicains sont bien plus favorables aux discours racistes et autoritaires voilés que ce que l’on pensait. Donc la question, maintenant, est de savoir s’il y a un « trumpiste » républicain plus lucide et cohérent que Trump lui-même et qui soit en mesure de terminer la transformation du Parti républicain en une version adoucie du Front national. Et si oui, si le parti pourrait être une vague menace à la démocratie américaine comme c’est le cas avec le Front national en France. En gros, les « trumpistes » vont sûrement remporter la guerre Trump-Reagan qui déchire les Républicains. Mais ils ont besoin d’une classe politique plus attentive et concentrée que Trump ne l'est.
Ben Page
Dans les sondages que l’on réalise partout dans le monde, la réputation des États-Unis s’est effondrée après l’élection de Trump, ce qui n’a pas été le cas du Royaume-Uni après le Brexit. Donc cela devrait sûrement continuer. On verrait une société américaine plus polarisée qu’aujourd’hui – avec des villes américaines qui deviendraient presque des zones hostiles au gouvernement fédéral.
LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES
Robert Kelly
Professeur de sciences politiques et diplomatie à l’Université nationale de Pusan
Trump est incompétent et la plupart de ses idées économiques – droits de douane, durcissement des inégalités avec la réduction des impôts des plus riches, explosion des déficits - vont générer à moyen terme des freins. Mais cela ne se ressentira pas avant la prise de pouvoir de son successeur, qui subira de grosses pressions pour augmenter les impôts afin de réduire les déficits, comme ce qui s’est passé dans les années 1990.
John Kicklighter
Responsable de la stratégie monétaire, IG
Si l’économie se stabilise suffisamment pour stimuler la popularité de Trump et lui permettre de remporter un second mandat, il faudrait davantage qu’une évolution neutre ou modérée. Une croissance aussi forte suggérerait plus de fermeté.
Ben Page
PDG d’Ipsos MORI
On n’a encore rien vu ! Une victoire de Trump en 2020 induirait qu’il ait réussi à échapper à Robert Mueller et à d’autres difficultés, sans compter sur le fait que les Démocrates sont encore dans la confusion. Cela impliquerait plus de coupes dans les dépenses publiques et un renforcement de la politique protectionniste dans la diplomatie et les échanges mondiaux. Il y aurait aussi un glissement décisif du consensus d’après-guerre autour de l’ONU, de Washington, du Fonds monétaire international et d’autres institutions en charge de la gestion de l’ordre mondial dans la seconde moitié du 20e siècle. On passerait à un ordre international beaucoup plus chaotique sur un modèle victorien, avec plus de conflits entre les grandes nations. S’il entre effectivement en guerre commerciale avec la Chine, il serait intéressant de voir les effets sur l’économie dans son ensemble.
LES CONSÉQUENCES FINANCIÈRES
Robert Kelly
Professeur de sciences politiques et diplomatie à l’Université nationale de Pusan
Il y aurait une légère hausse. D’ici 2020, Trump sera bien connu sur les marchés, et tout le monde connaît ses affinités avec la Bourse. Parce qu’il s’en sert de point de repère critique quant au succès de son mandat, il fera tout ce qu’il peut pour qu’elle continue sa progression.
John Kicklighter
Responsable de la stratégie monétaire, IG
Un candidat à la présidence ne peut pas faire campagne autour d’un changement de grande envergure deux fois de suite. Donc, un second mandat de Trump (encore une fois, dans le cadre théorique d’une économie forte) serait vu comme un statu quo qui supporterait les actions boursières et d’autres actifs à risques, en supposant qu’ils soient déjà en hausse. Quant au dollar, l’improbable réélection de Trump induirait une économie stable qui favoriserait la hausse constante des taux d'intérêt par la Réserve fédérale. Les actifs locaux rivaliseraient - voire dépasseraient - leurs homologues mondiaux. Si l'on met de côté les orientations politiques autour d’un tel événement, les circonstances dans lesquelles cela se produirait sont susceptibles de soutenir le dollar.
Ben Page
PDG d’Ipsos MORI
On a déjà vu le marché boursier s’effondrer suite à sa décision de taxer les produits chinois et suite à l’incertitude concernant les droits de douane, donc cela pourrait se reproduire.
LES CONSÉQUENCES SOCIALES
Robert Kelly
Professeur de sciences politiques et diplomatie à l’Université nationale de Pusan
Il y aurait une dégradation importante des relations interraciales – un Parti républicain « trumpisé » de type Front national deviendrait le parti des Blancs tandis que le Parti démocrate deviendrait celui de tous les autres. Cette division se ressentirait dans tous les spectres de la culture américaine – télévision, films, jours fériés...
John Kicklighter
Responsable de la stratégie monétaire, IG
Si Trump était réélu, cela renforcerait davantage la division entre ceux qui le détestent et ceux qui l’adorent. Mais cela ne changerait probablement pas le ratio entre ces deux côtés. Pour être en capacité de remporter l’élection, il devrait théoriquement voir sa cote de popularité considérablement augmenter.
Ben Page
PDG d’Ipsos MORI
Trump catalyse le cri de colère de l’Amérique rurale, des zones isolées de l’Europe et de la Grande-Bretagne, contre l’ordre mondial établi après la Seconde Guerre mondiale. Cet ordre mondial a instauré le libre-échange orchestré par l’ONU et Washington. Ce que dit Trump aujourd’hui, c’est que cet accord ne fonctionne plus et qu’il faut mettre en place un nouvel ordre mondial. On est en train de basculer dans un monde qui ressemble plus à l’époque victorienne, avec de grands pouvoirs qui s’affrontent occasionnellement, se font la guerre par procuration ou se querellent.
LES CONSÉQUENCES SOCIALES