Pétrole : détente en marche forcée pour Riyad, Moscou et Washington
La guerre des prix du pétrole engagée entre l’Arabie Saoudite et la Russie depuis le début du mois a été entraînée dans le tourbillon du coronavirus. L’ampleur du phénomène change radicalement la donne et les contraint à revoir leurs stratégies. Tout comme les Etats-Unis.
Jusqu’à présent restés à l’écart du théâtre de l’Opep+, les Etats-Unis ont décidé cette semaine de monter sur le devant de la scène en s’alliant avec l’Arabie Saoudite pour tenter de trouver un terrain d'entente dans la gestion de la crise du Covid-19 qui terrasse les prix du pétrole. A l’issue d’une rencontre entre le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo et le prince Mohammed ben Salmane, Washington et Ryad ont convenu mercredi de collaborer ensemble « pour contenir l’épidémie de Coronavirus et stabilisé le marché de l’énergie ».
Avec cette « collaboration », qui doit s’intégrer dans le cadre du G20 (cette année présidée par l’Arabie Saoudite), les Etats-Unis, jusqu'à présent plutôt restés à l'écart du bras de fer entre Ryad et Moscou, ont décidé de sortir du bois pour raisonner leur allié saoudien, dont la course à la production menée avec Moscou a fait dangereusement basculer les cours de l'or noir.
La Russie militante d'un « Opep++ »
Ce vendredi, c’est au tour de la Russie de lancer une perche à l’Arabie Saoudite, après avoir refusé la semaine dernière que Washington endosse le rôle d’intermédiaire. Moscou relance les dés de l’Opep+ moins d’un mois après avoir laissé tomber le cartel. L’un de ses négociateurs clés, Kirill Dmitriev, s’est déclaré prêt à envisager un nouvel accord entre l’Organisation des pays exportateurs du pétrole et ses alliés, et auquel d’autres pays pourraient se joindre « afin d’amortir les retombées économiques du coronavirus ».
Interviewé par Reuters, il a assuré être en contact avec l’Arabie Saoudite et « d’autres pays ». « Sur la base de ces contacts, nous pensons que si le nombre des membres de l’Opep+ augmente, il sera possible de trouver un accord commun pour rééquilibrer le marché du pétrole ».
Dmitriev a refusé de dévoiler l’identité des pays « intéressés » par un Opep+ élargi, mais l’hypothèse que les Etats-Unis soient de la partie n’est pas complètement incongrue. Estimant la récession mondiale inévitable, il a déclaré que « les efforts pour restaurer la relation entre la Russie et les Etats-Unis sont aujourd’hui plus importants que jamais, nous ferons tous les efforts possibles de notre côté et espérons que les Etats-Unis comprendront aussi que cela est nécessaire ».
Chute historique de la demande de pétrole
Sapée par les mesures de confinement et une récession en marche, la demande de brut pourrait se replier de 20% cette année (estimations AIE). En parallèle, le marché devrait connaître un excédent d’approvisionnement historique à partir d’avril de près de 6 millions de bpj, soit 2 milliards de surplus sur l’année, selon les calculs du cabinet Rystad Energy.
Des conditions violentes que les producteurs d’or noir vont devoir affronter en pleine paralysie économique. Entrée en confinement la semaine dernière, la Russie compte un millier de personnes infectées par le coronavirus et mise sur des tests de dépistage à grande échelle pour endiguer le covid-19, inspirée par l’expérience de Hong Kong et de la Corée du Sud.
Aux USA, devenus hier le premier foyer mondial de l’infection, beaucoup d’Etats ne sont pas encore entrés en confinement alors que les récents chiffres montrent une nette accélération du virus sur le territoire américain. Avec plus de 3 millions d’inscrits au chômage la semaine dernière, la première puissance mondiale est clairement à l’arrêt. Et la chute des prix du pétrole a déjà mis ses producteurs texans les plus fragiles sur le carreau.
L’Arabie Saoudite sous pression
Aux cours actuels du brut, l’Arabie Saoudite – dont l’offre est la plus compétitive du marché – semble la mieux armée pour traverser la crise. Mais même pour elle, la situation est risquée. Accroître sa production dans ces conditions équivaut à se tirer une balle dans le pied et ses partenaires ont bien l’intention d’accentuer la pression sur ses épaules pour qu’elle fasse marche arrière.
Depuis le début de la crise sanitaire en Chine, les prix de l’or noir se sont effondrés. Malmenés par la perspective d’un écroulement de la demande chinoise, ils ont accéléré leur chute il y a trois semaines avec l’échec de la dernière réunion de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et de ses alliés de l’Opep+.
En refusant d’accepter une coupe de production supplémentaire d’1,5 million bpj pour soutenir les prix, la Russie a ouvert les hostilités avec l’Arabie Saoudite à un moment particulièrement critique pour le marché de l’or noir, puisqu’intervenant moins d’une semaine après l’arrivée de la vague épidémique en Italie.
Moscou, qui avait justifié officiellement son refus en arguant que son budget 2020 est basé sur un cours moyen à 42 dollars le baril (celui de Brent s’échangeant encore au-dessus des 50 dollars quelques jours plus tôt), souhaitait surtout barrer la route au pétrole américain issu du gaz de schiste, plus onéreux, qu’avantagerait un soutien des cours.
Déjà dans le collimateur de l’Opep pour le manque de zèle avec lequel il tendait à suivre ses engagements au sein du cartel, le veto de Moscou a fait sortir l’Arabie Saoudite de ses gonds, qui a décidé d’accroître drastiquement sa production et de baisser ses prix. A un clair dessein : celui de faire chuter les cours de pétrole, afin de piéger la Russie à son propre jeu, mais aussi et surtout de préserver ses propres intérêts.
Plutôt que de « protéger la totalité des marges de profits de l’industrie en réduisant la demande », « étant le producteur de pétrole au prix le plus bas, l'Arabie saoudite a opté pour la stratégie qui protégerait le plus grand nombre de ses parts de marché, quel que soit le prix du baril nécessaire pour atteindre ce but », expliquait l’ex-président de Saudi Aramco, Sadad al-Huisseini, dans une interview accordée au Point.
Effondrement des cours
La manœuvre a réussi : le lendemain de cette décision, le WTI américain s’est effondré de plus de 24%, perdant plus de dix dollars à 31,13$ le baril, alors même qu’il s’était déjà replié de plus de 10% la séance précédente. Un véritable krach qui a entraîné avec lui les marchés boursiers, à des niveaux jamais observés depuis la crise des subprimes.
Malgré un premier rebond, le pétrole a continué de dégringoler sous les 30$ le lundi suivant, puis jusqu’à 20,37$ le 18 mars, plombé par la surenchère à laquelle se sont prêtées la Russie et l’Arabie Saoudite sur fonds de la vague européenne de coronavirus. Après la Chine, l’entrée brutale de l’Europe et des Etats-Unis dans cette crise sans précédent a continué à pressuriser les cours.
Depuis, le WTI n’est pas repassé au-dessus des 26 dollars et le Brent sous les 28 dollars. Ce vendredi, les cours ont rechuté respectivement de 7,92% et 6,79%, à 22,5$ et 25,4$. Dans ces conditions difficilement soutenables, Ryad, Washington et Moscou en viendront inévitablement à collaborer…
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